Javiera Arroyo est la directrice du Service de première ligne au Centre des femmes de Montréal, un organisme communautaire fondé en 1973 par et pour des femmes. Engagée depuis 2010 au sein de l’organisation, elle œuvre pour l’égalité, la justice sociale et le soutien communautaire. Le Centre a pour mission d’aider les femmes à améliorer leurs conditions de vie et celles de leur famille, en leur offrant des services essentiels en matière de soutien psychosocial, d’intégration socioprofessionnelle et d’accompagnement face aux violences et aux inégalités systémiques. Convaincue du pouvoir de la solidarité féminine, Javiera s’investit au quotidien pour créer un espace sécuritaire, inclusif et valorisant, où chaque femme peut retrouver sa dignité, son autonomie et sa place dans la société.
Décrivez votre action caritative/à but non lucratif/bénévole en quelques phrases.
La mission du Centre des femmes de Montréal est d’aider les femmes à s’aider elles-mêmes en leur fournissant tous les outils dont elles ont besoin pour améliorer leurs conditions de vie et celles de leur famille.
Ses services sont regroupés sous deux grands volets : soit le Service de première ligne et le Service d’employabilité. Ainsi nous soutenons, orientons et fournissons des ressources aux femmes aux prises avec des difficultés et défis dans leur vie soit sur le plan familial, social ou économique ainsi que des services d’aide à la recherche d’emploi pour qu’elles puissent s’accomplir sur le plan professionnel et jouer un rôle actif dans la société.
Le Centre participe également activement à diverses instances traitant des enjeux sociaux et économiques impactant les femmes. Grâce à notre action collective, nous restons vigilantes face aux problématiques sociales émergentes, partageons notre expertise et agissons de manière proactive pour soutenir les femmes de la grande région métropolitaine dans l’amélioration de leurs conditions de vie, en collaboration avec d’autres acteurs concernés.
Quel problème vise-t-elle à résoudre ?
Malgré les progrès accomplis, les femmes continuent de faire face à de nombreux obstacles.
Elles demeurent les principales victimes de violence conjugale et d’agressions sexuelles vécues durant l’enfance. Leur réalité est également marquée par la pauvreté, en grande partie parce qu’elles occupent majoritairement des emplois précaires ou à temps partiel. Les femmes racisées subissent des formes multiples de discrimination, tandis que les femmes autochtones vivent souvent dans des conditions extrêmement précaires en milieu urbain. Elles sont surreprésentées parmi les personnes en situation d’itinérance, et particulièrement touchées par la violence physique, sexuelle et l’exploitation.
Pour répondre à ces problématiques complexes et améliorer les conditions de vie des femmes, le Centre déploie une approche globale et inclusive :
- Lutte contre la pauvreté : distribution d’aide alimentaire, vestiaire d’urgence, couches et layettes pour bébés, paniers de Noël.
- Lutte contre la violence conjugale : accompagnement dans la recherche d’un hébergement d’urgence, élaboration de plans de sécurité, soutien lors de démarches judiciaires, accompagnement au tribunal. Nous sensibilisons également les femmes à leurs droits, aux lois sur la violence conjugale et l’égalité des genres, au cycle de la violence et aux ressources disponibles, dans le but de briser ce cycle de la violence.
- Soutien aux victimes d’agressions sexuelles dans l’enfance : espace de parole sécuritaire pour briser le silence, cheminer vers la guérison et retrouver un sentiment de dignité.
- Accompagnement des femmes immigrantes : appui dans leurs premières démarches d’installation, accès à des outils d’intégration tels que la francisation, des activités d’information, et l’aide à la recherche d’emploi.
- Soutien aux femmes autochtones : accompagnement personnalisé, défense de leurs droits, accompagnement lors de rendez-vous médicaux, travail de rue et distribution de sacs de survie pour les femmes en situation d’itinérance.
- Appui aux futures et nouvelles mères ainsi qu’à leurs enfants de moins de cinq ans : mise en place d’un programme visant à répondre à leurs besoins spécifiques dans les premières années de vie de l’enfant. Nous les accompagnons dans leur intégration sociale (marché du travail, études, francisation, formation), les soutenons dans leur rôle parental (renforcement des compétences parentales, développement du lien d’attachement) et favorisons le développement global de l’enfant en vue d’une intégration réussie en CPE ou à l’école primaire.
- Intégration à l’emploi; pour les femmes qui au mitan de leur vie doivent se réorienter sur le marché du travail afin d’assurer leur subsistance jusqu’à l’âge de la retraite, ou encore des femmes ayant un intérêt dans les métiers non traditionnels, des nouvelles arrivantes ou des femmes retirées depuis plusieurs années du marché du travail à la recherche d’un emploi correspondant à leurs aspirations et compétences.
Quand l’avez-vous créée/rejointe ?
Le Centre des femmes de Montréal est un organisme communautaire fondé en 1973, par des femmes, pour des femmes, dans la foulée de la montée du mouvement féministe. J’ai joint le Centre en juillet 2010 à titre de directrice adjointe au Service de première ligne et suis devenue officiellement directrice du service en 2020.
Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous impliquer ?
J’ai choisi de travailler au Centre des femmes de Montréal parce que je suis profondément engagée envers les questions d’égalité, de justice sociale et de soutien communautaire. Le Centre représente bien plus qu’un simple lieu de services : c’est un espace sécuritaire, dynamique, inclusif et solidaire, où les femmes peuvent s’exprimer librement, être écoutées, soutenues et outillées pour reprendre du pouvoir sur leur vie.
Je crois fermement à l’importance de créer des environnements où les femmes de tous horizons, conditions sociales ou origines ethnoculturelles peuvent se sentir valorisées, respectées et encouragées. Travailler au Centre me permet de contribuer concrètement à cette mission, en mettant mes compétences au service d’une cause qui me tient à cœur. C’est aussi une occasion unique d’apprendre, de grandir, et de faire partie d’une équipe engagée qui travaille chaque jour à bâtir un monde plus équitable.
Quelle était la situation à vos débuts ?
Le Centre était déjà bien engagé auprès des femmes en offrant des services qui répondaient à leurs besoins car il a toujours été à l’affut de leur réalité et de leur diversité. À mon arrivée, le Centre avait créé un Guichet multiservices où les femmes pouvaient trouver une multitude de services sous un même toit, ce qui en faisait un organisme assez unique travaillant avec une approche globale auprès des femmes en répondant à plusieurs de leurs besoins.
Par exemple, une femme en démarche de recherche d’emploi aux prises avec de l’insécurité alimentaire peut obtenir un panier alimentaire en descendant deux étages.
Une nouvelle arrivante peut apprendre le français tout en ayant accès à notre halte-garderie pour étudier en toute quiétude alors que son enfant est pris en charge par des éducatrices bienveillantes qui veillent à son développement. Suite à son cheminement, elle pourra se prévaloir des services d’aide à la recherche d’emploi.
Au fil du temps, des projets pilotes sont devenus des programmes bien implantés. À titre d’exemple, un programme mère-enfant qui favorise l’intégration et le bien-être des mères, brise leur isolement et renforce leurs compétences parentales et le développement moteur, cognitif, socio-affectif, le langage et la créativité de leurs enfants. Un programme d’accompagnement personnalisé auprès des femmes autochtones qui opère dans le respect de leur valeurs culturelles et de leur rythme. Au fil des ans, ce programme a développé une multitude de partenariats avec des organismes autochtones et allochtones dans le but d’améliorer l’offre de services auprès des populations autochtones en milieu urbain.
Par ailleurs, nous avons développé une approche de thérapie par les arts au sein de nos groupes de soutien auprès des femmes ayant vécu des agressions sexuelles durant l’enfance. Cette approche permet désormais aux femmes de nommer l’innommable à travers un support artistique de leur choix afin de s’exprimer et de se reconnecter avec leur créativité, offrant ainsi une voie alternative à la parole pour traiter des sujets très difficiles.
Au niveau des services d’aide à la recherche d’emploi des nouvelles initiatives ont vu le jour comme, un vestiaire professionnel pour soutenir les femmes en recherche d’emploi en leur offrant gratuitement des tenues adaptées. Ce service reflète l’esprit de solidarité
et d’entraide de la communauté autour du Centre, grâce aux dons de vêtements et de temps. Le programme Donnez à la suivante qui met en relation d’anciennes participantes ayant réussi leur intégration socioprofessionnelle avec des femmes en recherche d’emploi; des séances de photos professionnelles pour le profil LinkedIn de notre clientèle et des activités de maintien en emploi pour celles qui en éprouvent le besoin.
Comment a-t-elle évolué depuis ?
Le succès du guichet multi-services est incontestable. Par contre, nous observons depuis quelques années davantage de précarité économique chez les femmes seules, monoparentales et même chez les familles composées de deux adultes, le coût des loyers qui explosent de même que le rétrécissement du marché locatif et de logements abordables, un panier d’épicerie qui coûte de plus en plus cher qui oblige de faire des choix alimentaires difficiles ou d’aller au strict essentiel, des conditions de santé qui se détériorent, notamment chez les femmes autochtones, des demandeuses d’asile qui vivent le stress d’être déboutées alors qu’elles et leurs enfants ont développé des racines au Québec, la détresse psychologique et le manque de ressources en santé mentale, l’augmentation de personnes en situation d’itinérance, l’augmentation alarmante des féminicides, le manque de places en maison d’hébergement pour les victimes de violence conjugale et d’hébergement d’urgence pour les personnes en situation d’itinérance, la monté des discours sexistes et mysogines qui gagnent en popularité chez les jeunes, une crise des opioïdes sans précédent.
C’est un tableau sombre, mais il est réaliste !
On ne peut pas non plus nier le manque de financement des organismes communautaires qui jouent un rôle crucial dans notre société. Le communautaire est souvent en première ligne pour répondre aux besoins des personnes les plus vulnérables. Les organismes communautaires fonctionnent souvent avec des ressources limitées, des équipes surchargées et un financement instable. Un organisme communautaire comme le nôtre lutte au quotidien contre les inégalités sociales, est en mesure d’analyser et sonner l’alarme sur des problèmes émergents, travaille proactivement et offre des services directs et humains, souvent là où les services publics sont absents ou débordés.
Que faut-il faire de plus ?
Financer adéquatement et valoriser le travail des organismes communautaires c’est bien plus qu’une dépense : c’est un investissement. Il faut le voir comme un investissement dans la prévention de la détresse, de la pauvreté, de la violence, de l’isolement… et, dans bien des cas, un moyen concret de sauver des vies.
Lorsqu’une femme peut sortir du cycle de la violence et reprendre le pouvoir sur sa vie grâce à un accompagnement communautaire, c’est toute une chaîne de souffrance qui est brisée.
Ce travail de terrain, fait avec peu de moyens mais une volonté immense, mérite d’être reconnu et soutenu à sa juste valeur. Car au-delà du soutien immédiat, ce sont des coûts humains, sociaux et économiques qui sont évités à long terme. Miser sur le communautaire, c’est aussi miser sur une société plus juste, plus humaine et plus solidaire.
Comment nos lecteurs peuvent-ils vous aider ?
En faisant un don monétaire qui va contribuer directement à notre mission, en organisant une activité de collecte de fonds au profit de notre fondation, en s’impliquant dans notre prochaine campagne de financement car nous devrons effectuer des travaux majeurs sur notre bâtisse, en faisant du bénévolat personnel ou d’entreprise ou en partageant nos publications sur les médias sociaux.
Avez-vous des événements à venir ?
Lancement d’une campagne de financement pour effectuer des travaux majeurs sur notre bâtisse
Une campagne de Noël qui débutera en septembre 2025 pour récolter des dons en argent ou en cartes-cadeaux (marchés d’alimentation, magasins de jouets, pharmacies, librairies)
Une soirée bénéfice au profit du Centre au printemps 2026
Où pouvons-nous vous suivre ?
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Médecins du Monde: L’accès aux soins de santé est un besoin fondamental pour chaque être humain. Depuis 1996, Médecins du Monde est présent au Canada pour défendre ce droit essentiel. Cette organisation internationale, indépendante et active dans plus de 70 pays, agit pour que les personnes les plus vulnérables – souvent exclues des systèmes de santé – puissent recevoir les soins dont elles ont besoin. Au Québec, Médecins du Monde tend la main aux personnes marginalisées – que ce soit des migrants à statut précaire, des personnes en situation d’itinérance ou d’autres populations exclues – en leur offrant des soins adaptés et en défendant leur droit à la santé. Médecins du Monde œuvre pour un monde où l’accès à la santé est un droit réel pour toutes et tous, sans discrimination ni obstacles. Bref, pour que personne ne soit privée de soins en raison de son statut, de sa situation ou de ses moyens. Leur engagement et leur humanité sont admirables.