Le PIaMP (Projet d’intervention auprès des mineur·es prostitué·es) est un organisme communautaire qui a pour mandat d’écouter, de supporter et d’accompagner toute personne âgée de moins de 25 ans qui échange ou est susceptible d’échanger des services sexuels contre toute forme de rémunération. Nous avons parlé avec l’organisme pour en savoir plus sur eux.
Décrivez votre organisation caritative à but non lucratif en quelques phrases.
Le PIaMP a pour mandat d’écouter, de supporter et d’accompagner toute personne âgée de moins de 25 ans qui échange ou est susceptible d’échanger des services sexuels contre toute forme de rémunération. Nos services s’adressent non seulement aux jeunes, mais aussi à leurs proches et aux professionnel·les qui souhaitent obtenir du support dans leurs interventions.
L’une des particularité de l’organisme est son approche qui s’inscrit dans la réduction des risques, le non-jugement et la nuance. Plutôt que d’entrer dans un débat « pour ou contre » les échanges de services sexuels, l’organisme cherche à accompagner les personnes concernées, peu importe où elles sont rendues dans leur cheminement et peu importe leur projet. Chaque personne peut vivre les échanges de services sexuels différemment, donc l’important pour nous, c’est d’offrir des services personnalisés en fonction du vécu des jeunes et des besoins qu’iels expriment.
Nous aidons les jeunes par le biais de suivis sociaux personnalisés, d’un local des jeunes, d’une banque alimentaire, d’activité de groupes (ateliers, sorties, discussions), de dépannage matériel, de matériel de réduction des méfaits et aussi par la création et distribution de guides et campagnes de sensibilisation sur des enjeux qui les concernent.
Nous aidons les proches par le biais de soutiens individuels et de références personnalisées et tout le monde peut utiliser notre service de clavardage en ligne anonyme pour poser ses questions.
Enfin, les professionnel·les de la santé et des services sociaux peuvent faire appel au PIaMP s’iels désirent être soutenu·es dans leur intervention, suivre l’une de nos formations en lien avec notre mission, ou encore offrir des activités de sensibilisation dans leur milieux de travail (kiosques, ateliers, tables rondes).
Quel problème vise-t-il à résoudre ?
Plutôt que l’idée de résoudre un problème, le PIaMP cherche à ce que les jeunes qui vendent des services sexuels puissent réduire les risques associés, à ce que leur voix soit entendue et à ce que leurs besoins soient comblés.
La vision des pouvoirs publics et plus largement de notre société en regard des échanges de service sexuels chez les jeunes s’inscrit dans une panique morale, et les réponses qui y sont apportées négligent la diversité des vécus et nient l’autodétermination dont peuvent faire preuve les premier·es concerné·es. Face au discours dominant souvent sensationnaliste et misérabiliste qui engendre une violence systémique néfaste à l’égard des jeunes, le PIaMP souhaite être une ressource alternative où l’accueil est inconditionnel et où l’objectif est de reprendre du pouvoir sur leur vie, peu importe ce que cela signifie pour chaque individu.
Quand l’avez-vous commencé/l’avez-vous rejoint ?
Après avoir constaté une absence de services et d’espace pour échanger, un noyau de 20 bénévoles, essentiellement des jeunes hommes pratiquant la prostitution, s’est constitué en 1982 dans l’objectif de développer une ressource adaptée, originals et près de leurs réalités. Le groupe s’incorpore en 1982 et donne naissance au PIaMP. L’organisme se démarque d’emblée des discours réduisant les jeunes au statut de victime ou de délinquant, et propose une démarche d’intervention mettant de l’avant le libre-arbitre des jeunes. Grâce à l’engagement et aux initiatives des bénévoles et de l’équipe de travail, l’organisme prend ensuite la forme d’un « drop in », d’un centre de création et d’une banque alimentaire.
Comment cela a-t-il changé depuis ?
Dans les années 90, le travail de rue devient un moyen important d’intervention au PIaMP. En outre, la vie associative permet à l’organisme de développer de nombreux projets: le PIaMP demeure un incontournable au sein de la communauté montréalaise.
Au début des années 2000, observant que la rue est de plus en plus désertée par les jeunes qui échangent des services sexuels, le PIaMP réalise qu’il doit s’adapter aux changements sociaux, aux nouveaux moyens de communication et à la nouvelle réalité virtuelle. En ce sens, l’organisme organise un colloque en 2011 afin de réfléchir à la prostitution des jeunes à l’ère du numérique. Cet évènement permet au PIaMP de réaliser qu’une actualisation des services doit être effectuée.
En 2014, une nouvelle équipe de travail prend la relève et réfléchit à la mission de l’organisme, explore le travail de rue dans les quartiers montréalais et ouvre le dialogue avec les jeunes de la nouvelle génération dans le but d’adapter les services du PIaMP.
En 2019, l’équipe questionne à nouveau ses pratiques d’intervention et réfléchit à des alternatives afin de rejoindre davantage les jeunes. Le PIaMP a à cœur de renouer avec des fonctionnements qui étaient alors à la base de sa création, à savoir, une place de choix pour les jeunes dans les processus décisionnels de l’organisme et une volonté de tendre vers une organisation par/pour (et avec). Cela a pris forme par l’embauche de plusieurs pair·es-aidant·es et par la mise en place du Conseil des jeunes, organe autonome et décisionnel qui regroupe des jeunes de l’organisme. Nourrit par ces réflexions, le PIaMP a de grands projets pour l’avenir et est particulièrement actif dans la communauté afin de répondre aux besoins des jeunes.
Que faut-il faire de plus ?
Il y a plusieurs choses qui seraient importantes pour améliorer la qualité de vie des personnes (majeures et mineures) qui échangent/vendent des services sexuels, ce à plusieurs niveaux.
Premièrement, le PIaMP pense que la prévention et l’éducation à la sexualité sont incontournables. Par éducation à la sexualité nous entendons une éducation inclusive et positive. L’éducation à la sexualité vise à leur apprendre comment mettre leurs limites, à connaître les ressources disponibles, à reconnaître les situations de manipulation et de violence, à avoir les outils pour exercer un consentement éclairé dans leur vie sexuelle et à pouvoir soutenir leurs ami·es qui seraient dans des situations difficiles.
Au lieu de leur présenter une vision misérabiliste du travail du sexe qui vise à les effrayer, les jeunes devraient avoir accès à un portrait réaliste. On devrait les encourager à comprendre les raisons pour lesquelles les mineur.es vivent beaucoup plus de risques et des problèmes liés au consentement dans l’industrie du sexe.
Deuxièmement, et cela concerne les personnes majeures, le PIaMP pense qu’il est nécessaire de prendre la voie politique et légale d’une décriminalisation du travail du sexe. La criminalisation du travail du sexe pousse les travailleur.euses du sexe à s’isoler et à travailler dans des conditions plus dangereuses.
Enfin, pour avoir la chance de poursuivre notre mission dans l’envergure que nous souhaitons, il serait primordial que le gouvernement s’engage dans une revalorisation conséquente des financements publiques desquels dépendent entièrement notre organisme et beaucoup d’autres. Il est difficile pour une organisation telle que la nôtre de mettre son énergie à répondre adéquatement aux besoins et projets des jeunes lorsque la santé financière est un enjeu constant qui rend difficile de planifer à long terme.
Comment nos lecteurs peuvent-ils aider ?
Les échanges de services sexuels chez les jeunes (mineur·es et adulte) est un sujet mal connu qui peut être traité dans l’espace public de diverses façons : invisibilisé, instrumentalisé, amplifié, détourné, glamourisé, etc. Nous encourageons alors vos lecteur·trices à s’éduquer et prendre le temps d’écouter les discours des premier·es concerné·es afin d’avoir une vision plus réaliste et critique des échanges de services sexuels/du travail du sexe. S’éduquer c’est aussi reconnaître que nos propres comportements et propos peuvent être porteurs de stigmate et perpétuer la violence que vive les jeunes concerné·es. Vous pouvez visiter notre site web où une Foire aux Questions permet d’en savoir plus, ainsi que les médiums d’autres organisations dites « par et pour » les travailleur·euses du sexe du Canada et à l’international.
Bien-sûr, vos lecteur·trices peuvent apporter leur aide à notre organisation via des dons monétaires ou matériels. Les dons amassés servent à renflouer le fonds d’urgence du PIaMP qui permet à des jeunes en situation de précarité de recevoir un petit coup de pouce financier pour, par exemple, garder leur logement, se nourrir pendant un mois, ou se transporter pour sortir de situations dangereuses. Nous acceptons également les dons matériels de produits d’hygiène. Nous les distribuons aux jeunes qui n’ont pas les moyens d’en acheter et aux personnes en situation d’itinérance.
Avez-vous des événements à venir?
À l’automne 2022, le PIaMP lancera le 2e numéro des Cahiers du PIaMP. Il s’agit d’un périodique qui permet de partager l’approche empathique et nuancée portée par le PIaMP en regard des échanges de services sexuels, et de mettre de l’avant la voix des jeunes qui fréquentent l’organisme.
Par ailleurs, tout au long de l’année le PIaMP organise de multiples activités socioculturelles et éducatives pour les jeunes de la ressource et offrent 2 à 4 formations pour les professionnel·les désireux·euses d’en apprendre plus sur le sujet.
Où pouvons-nous vous suivre ?
Vous trouverez le PIaMP sur de multiples plateformes. Nous sommes sur Instagram, Facebook et nous offrons aussi un site web complet et bilingue.
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